Maroc, de Imilchil à la Vallée heureuse par le M'Goun


 

Imilchil. 

Après un petit déjeuner aussi chatoyant pour les pupilles que pour les papilles, nous sommes partis sac au dos vers le centre du village et avons rapidement embarqués à l’arrière du triporteur de Zaïd qui nous déposa 8 km plus loin, à Oudeddi. Premier contrôle des passeports. Nous avons marché jusqu’à Ouzhedi, dernier village au bout de la route. Aucune épicerie, les habitants nous offrirent de l’eau et le thé délicieux. Pendant ce temps, le caïd (maire) du village arriva et contrôla nos passeports. L’entrée du canyon de Melloul se trouvait juste devant nous, nous nous y sommes engouffrés. Mais le caïd nous suivait, nous regarda manger et, téléphone collé à l’oreille, poursuivit la marche avec nous jusqu’à ce que lui fût donné l’ordre de nous laisser aller. Souriant, courtois, il nous serra la main avant de s’en retourner, nous laissant seuls dans ce corridor de 24 km avant quoi que ce soit, bordé des 2 côtés par de hautes falaises rouges. Nous avons progressé sandales aux pieds, moitié à sec, moitié dans l'eau, bivouaqué sous des constructions en bois, ancestrales et perchées de manière improbable sur une vire rocheuse à mi hauteur de la paroi. Nous n'avons croisé que quelques âmes sur des ânes et des enfants bergers. J’ai vraiment eu l’impression d’être projetée dans un tout autre temps, très lointain, un autre univers, celui des caravanes d’antan, d’être hors de ce monde. Le lendemain, nous avons cheminé encore dans le canyon avant de nous en échapper et d’entamer un retour par des cols et vallées magnifiques qui à certains endroits, me rappelèrent l’Asie centrale. Les tentes noires ou blanches des nomades berbères ponctuèrent notre itinéraire le long de sentes animales. Puis dans une vallée heureuse, comme un eden, inaccessible autrement qu’à pattes ou à jambes, nous croisâmes une école, un terrain de foot en pente sur terre battue, des femmes en plein travail de lessive dans le ruisseau, des troupeaux de chèvres et de moutons, des chevaux, des ânes, des chiens. Les vêtements et tapis colorés juste lavés séchaient sur les rochers alentours et nous avons dû marcher encore plus de deux heures pour retrouver le village d’Oudeddi, Zaïd et son triporteur.Rentrés à l’auberge d’Imilchil, nous avons pris un jour complet de repos. Vendredi et jour de souk, pour goûter à l’ambiance sereine et détendue de la petite bourgade. Les Berbères sont des gens silencieux, leurs pas glissent et ne soulèvent pas la poussière, la rue grouille mais il n’y a pas de bruit, ceux qui parlent français nous adressent la parole sans chercher à nous vendre quoi que ce soit, les regards ne sont pas appuyés. Les Berbères ne se lèvent pas très tôt, et ne se couchent pas tard, vivent avec le soleil, de 7 à 19 h en ce moment. Les Berbères se déplacent au pas lent, discret et paisible de l’âne, juché sur lui quand il n’est pas chargé de ballots colorés qui lui font au moins tripler sa largeur. À Imilchil, l’épicier et les gens nous reconnaissent et les gosses s’essaient à un timide “Bonjour” en français. Sourires. Pas un touriste.

 

Dans les épiceries, minuscules, sombres et pas souvent en libre-service, pas grand chose et toujours les mêmes. Notre régime alimentaire est très peu varié, nous essayons qu’il soit équilibré. Nous sommes loin d’avoir faim. 

 

Le lendemain, nous reprîmes la route à vélo, avec pour objectif d’atteindre la Vallée Heureuse, au pied du M'Goun, sommet culminant à 4070 m. Pour se faire, après une journée de macadam avec de bons dénivelés positifs et des paysages encore différents de gorges colorées, nous avons de nouveau suivi la rivière Melloul, toujours au fond de son canyon mais bordée d’une piste. Ce jour là, je passai une partie de l’après-midi à pousser mon vélo sur une piste caillouteuse sous le cagnard infâme, à dégouliner de sueur et laisser des traces de sel sur le t-shirt et le short poussiéreux. Mais petit à petit comme l’oiseau fait son nid, je parvins au sommet. Philippe avait dû avoir le temps de faire une sieste, lui qui passe tout sur le vélo ! Nous retrouvâmes Saint Macadam après une journée complète de piste. Notre trace pour venir dans la Vallée Heureuse (et elle porte bien son nom tant elle est verte, cultivée, et les gens sympathiques) faisait 200 km pour 4600 m de d+, il nous fallut 3 jours. Sommets lunaires et désolés, villages qui se fondent tellement dans le décor qu’ils pourraient passer inaperçus, constructions en pisé, circulation toujours anecdotique. Le prix de l’essence est très élevé par rapport à leur smic (280 euros), comme si chez nous le litre coûtait 10 euros. Autrement dit, tout véhicule est chargé raz la gueule, de marchandises ou/et de personnes/animaux. Il faut rentabiliser les voyages. Pour nous c’est bonheur de pédaler sur ces routes où, de plus, les chauffeurs sont prudents, et pas pressés. Arrivés dans la Vallée Heureuse, nous prenons une journée pour visiter un peu les vergers verdoyants (pommiers) ainsi qu’un ancien grenier communautaire perché au fait d’une colline centrale et circulaire, et préparer notre rando de 4 jours incluant le sommet du M’Goun (4070 m).

 

Celle-ci commence par une douzaine de kilomètres en bagnole, pour aller au point de départ : Arrous. Nous avons ensuite traversé des gorges, puis des jardins, puis grimpé un col à 3400 m avant de basculer vers le refuge de Tarkedit. Après quelques brèves hésitations, nous y prîmes de l’eau et allâmes planter le bivouac un peu après, loin de l’agitation, des ronflements, des quelques touristes apathiques. Le jour suivant, le programme était simple : se lever à 6 h, partir à 7 h, monter au M' Goun (4070 m), en redescendre par un autre itinéraire et marcher jusqu’à trouver de l’eau dans les gorges de Assif N’Oulilimt, avec nos gros sacs sur le dos. Si à partir de 3800 m le manque d’oxygène se fit sentir, il faut avouer tout de même que le sommet fût atteint sans difficulté, et nos rythmes de marche parfaitement identiques. La météo fût parfaite et autorisa même un pique-nique au sommet. La descente fut également négociée sans problème, mais la marche fût longue avant de trouver de l’eau. Je tombai de sommeil dès que le soleil se coucha, à 19 heures.

 

Pas âme qui vive dans cette vallée Assif N’Oulilimt à part deux petits ânes mignons tout plein et pas farouches du tout, qui lorgnèrent le pain de Philippe et mes flocons d’avoine pendant notre petit déjeuner. Pour finir, nous vîmes tout de même un troupeau de chèvres au loin, avec un berger et un chien. 

 

La vallée d’Assif N’Oulilimt nous réjouit les pupilles tout du long depuis notre bivouac et jusqu’à ce que nous la quittions à Aït Ahmed. En effet, nous devions retourner dans la Vallée Heureuse par un col à 2900 m pour y retrouver nos vélos et affaires. Ce sera chose faite le jour-même pour Philippe qui fît du stop pour éviter l’aggravation de légers soucis mécaniques, tandis que je terminai à pied le lendemain avec donc un bivouac supplémentaire. 

 

Tabant, la récolte des pommes continue. Jour de marché, je fais quelques courses pour la suite et rejoins l’hébergement…

 

Voilà encore de bons moments et plein succès pour cette randonnée magnifique dans un Maroc authentique.

 

À une prochaine !